Interview de Cordelia Foxx sur la chaîne nationale
Le 17 juin 2012
La jeune femme blonde assise sur le fauteuil moelleux avait les jambes croisées. Sur ses genoux, elle avait posé ses doigts qu’elle nouait en tous sens, signe d’une nervosité extrême. Elle s’était même maudite de ne pas avoir fait un tour au cabinet avant. Mais le technicien qui se trouvait accroupi non loin du fauteuil qui lui faisait face lui annonça qu’il était trop tard pour ça. « Antenne dans trois, deux, un… Vous êtes en direct ! » Avait-il chuchoté. Dans la seconde qui avait suivie, Antonin Smith avait accueilli la caméra, tout sourire. Cordelia l’avait imité. «
Bonjour à tous chers téléspectateurs. Nous nous trouvons aujourd’hui à la Miss Robichaux’s Academy, l’école pour jeunes filles exceptionnelles. Je suis en présence de la directrice de cette école, Cordelia Foxx. » Le cœur de Cordelia avait fait un bond à l’entente de son prénom. Elle était toujours en train de peser le pour et le contre d’une grande révélation. Pourtant, Antonin attendait visiblement une intervention de sa part. «
Bonjour. » avait-elle simplement dit, timidement. Elle comptait sur le professionnalisme du présentateur pour l’aider à se sentir plus à l’aise. «
Cordelia, ‘jeunes filles exceptionnelles’, voilà un terme qui mérite d’être soulevé, expliqué même. Qu’en est-il ? » La jeune femme fit un petit sourire et baissa les yeux très furtivement, se souvenant soudain qu’il ne s’agissait pas d’une conversation en toute intimité, mais bien d’une discussion retransmise sur une chaîne nationale devant des milliers de téléspectateurs. «
Et bien, il s’agit de jeunes femmes aux capacités extraordinaires, qui ont développé des dons particuliers. » «
Vous voulez dire que vous êtes une sorte de professeurs X ? » Dit-il faussement surpris. Il tourna sa tête vers le cameraman. «
Mon dieu, nous avons un véritable institut Xavier ! » Ajouta-t-il en riant. Cordelia, que l’humour d’Antonin détendit légèrement, balaya la blague d’un revers de main. «
Nous ne sommes pas des X-Men, dit-elle en riant,
pas de super héros parmi nous, simplement des jeunes personnes ayant des dons qu’elles ne comprennent pas toujours. Vous savez, être différent des autres n’a jamais été une chose facile. Avec tous les génocides qu’il y a eu ces derniers siècles, on réfléchit à deux fois avant de montrer sa disparité. » «
Votre école est donc une seconde maison selon-vous ? » Intervint Antonin. «
Je dirai même plus, il s’agit d’un refuge. Les dons, ou pouvoirs si cela vous aide à y voir plus clair, apparaissent généralement à la fin de l’adolescence. C’est une période critique où tout nous semble être une épreuve. On ne sait pas comment gérer les choses, on prend peur. La plupart du temps la manifestation des pouvoirs se fait dans des situations très embarrassantes et les témoins sont les familles. Pour chaque étudiante ici ça a été le même cas de figure : les parents prennent peur, leurs enfants sont en réalité des monstres pour eux, vous vous rendez compte ? Bannies de leur famille elles n’ont nulle part où aller finalement, toutes les portes leurs sont fermées et le Coven est là pour ça : les recueillir, leur offrir un toit, une école où apprendre à maîtriser leurs dons, les améliorer, en découvrir de nouveaux. Plus qu’un refuge, nous leur offrons ici une nouvelle famille. » Elle se tut et se félicita intérieurement d’avoir réussi à parler sans faire trembler sa voix. Elle avait beau être la sorcière la plus puissante de l’institut, le tout n’était que très récent. Elle été depuis toujours timide et n’avait pas encore eu le temps d’acquérir la prestance d’une vraie Suprême. Voici bien la seule chose qu’elle aurait aimé obtenir de sa défunte mère, Fiona Goode, l’ancienne Suprême du Coven. «
Eh bien Mlle Foxx, il semblerait que ce lieu soit une terre sacrée pour les jeunes filles de l’école. De plus, il faut dire que cette maison est… Sublime ! Wha, mais regardez-moi ça ! » Dit-il d’un air enjoué en faisant de grands gestes vers la caméra. «
Vous avez beaucoup de pensionnaires ? » C’était la question que redoutait le plus Cordelia. En réalité, non. Récemment quatre jeunes femmes avaient poussé les portes de l’institut. Une autre était partiellement venue. Deux au total étaient mortes. Ce souvenir récent attrista la Suprême et ses traits s’assombrirent. Ces morts n’étaient pas monnaie courante dans ce milieux, mais les récents évènements n’avaient pas été des plus glorieux. «
En réalité, la reconnaissance des sorcières – et sorciers, car ce n’est pas qu’une affaire de femmes ! – et une chose très compliqué. Alors, jusqu’ici nous n’avons pas eu une maison très peuplée. » Elle remit nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille. «
Oh. Comment se passe donc cette… Reconnaissance ? » Enfin ils entraient dans le vifs du sujet, la raison pour laquelle Cordelia avait décidé de dévoiler l’existence de ses sœurs. Cordelia pris une profonde inspiration, et commença son récit. «
Nous évoluons dans le même monde que vôtre. Nous restons des citoyens comme les autres, cependant, d’autres lois nous sont également soumises. Il existe un conseil, composé aujourd’hui de trois membres, qui rédige les règles du monde des sorcières et qui délibère lors de manquement à celles-ci. Quand une sorcière nait – entendez par là que les pouvoirs de celle-ci viennent d’apparaître – elle émet une sorte d’aura magique puissante. Nous pouvons la sentir à quelques dizaines de kilomètres à la ronde et c’est comme ça que nous venons les chercher. Mais la portée s’arrête là. Ainsi, l’éveil d’une sorcière – ou d’un sorcier – qui aurait lieu à l’autre bout du pays ne serait jamais décelé. » Antonin affichait un air très concentré et même… Fasciné. Etait-ce feint pour donner de l’importance au sujet ou pas ? Cordelia n’aurait pu en être assurée, mais elle savait qu’une partie de lui était réellement captivée. «
Oh, c’est vraiment incroyable. » Il se rapprocha, d’elle, à la manière de la confidence, et demanda «
Et pourquoi avoir décidé de vous révéler au grand jour après toutes ces années ? » Cordelia avait préparé sa réponse avant même d’avoir trouvé le moyen de se faire entendre. «
Ce sont justement pour toutes ces personnes qui n’ont jamais été décelées. » Elle tourna sa tête face à la caméra et mit toute l’intensité dont elle était capable dans son regard. «
Mes chers amis, vous qui vous sentez seuls et différents depuis si longtemps, je vous en prie, venez nous rejoindre. Ici vous serez traité de la meilleure façon qu’il soit. Ici pas de discrimination, pas de peur, de xénophobie. A la Miss Robichaux’s Academy vous aurez un toit et la possibilité de contrôler ce don que vous n’avez pas toujours souhaitez. Ensemble faisons de notre Ordre une fierté. Ne vous cachez plus. » Elle ponctua sa phrase dans un sourire rayonnant. Elle en était persuadée, c’était le début d’une grande aventure. «
Merci, Mlle Fox de nous avoir accueillis dans votre institut, et merci de vous être ouverte à nos chers téléspectateurs. » Le caméraman braqua son engin sur Antonin et le présentateur retrouva son engouement légendaire. «
Si vous vous sentez concerné, prenez note de l’adresse se trouvant au bas de votre écran. Nous comptons sur vous ! La semaine prochaine nous retrouverons le patron d’une nouvelle chaîne de restauration rapide. Bonne après-midi à tous ! »
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